Histoire de la Nouvelle-Calédonie
Terre de parole et de partage
L’histoire calédonienne se construit dans un terreau où prennent racine des peuples aux multiples énigmes. Des civilisations du Lapita à la page de la colonisation qui se tourne, en passant par la confrontation avec l’Europe, l’évangélisation et le bagne, c’est le chemin du monde kanak qui se raconte à travers ses compagnons de route.
1300 av. J-C à 1774 : Civilisation Lapita et développement de la culture kanak
Ce sont des peuples venus en pirogue du sud-est asiatique qui s’installent les premiers sur la Grande Terre et les îles Loyauté à partir de 1100 av. J-C. Le site archéologique de Koné est riche en poteries typiques de cette période nommée Lapita.
A partir de 200 av. J-C, la culture kanak commence à se différencier des autres cultures mélanésiennes. Peu de traces subsistent de cette civilisation à la tradition orale qui nous a légué de mystérieux pétroglyphes et les tumulus de l’île des Pins. On sait néanmoins que les habitants vivaient en clans, cultivaient la terre (ignames et taros), et maîtrisaient la pierre polie.
1774-1853 : New Caledonia et l’évangélisation
Dès le XVIII° siècle, les commerçants européens échangent avec les Mélanésiens. Un beau jour de l’année 1774, ces derniers voient apparaître la « Résolution », navire du Britannique James Cook, qui pense découvrir un pays connu depuis bien longtemps. En longeant les côtes, le navigateur se perd dans ses souvenirs d’enfance et reconnaît là une sorte d’Ecosse (Caledonia en latin). Il baptise donc l’île du nom de « New Caledonia », y fait escale et repart.
Entre 1788 et 1853, se succèdent dans la zone des explorateurs français qui font naufrage, abordent l’île ou la cartographient : La Pérouse, Bruny d’Entrecasteaux, Huon de Kermadec, Jules Dumont d’Urville,…
Les missionnaires protestants débarquent sur l’île des Pins en 1840, puis les catholiques sur la Grande Terre. Après quelques ébranlements, ils parviennent à étendre leur influence à toutes les tribus et développent des écoles confessionnelles.
1853-1946 : « La Nouvelle-Calédonie » bagne et colonisation
Le 24 septembre 1853, le contre-amiral Febvrier Despointes, prend possession du pays au nom de la France bien qu’il soit malade et cloué au lit au moment de l’opération. Ce jour devient férié. Aujourd’hui il porte le nom de « journée du destin commun ».
Dix ans plus tard, Jules Garnier, venu chercher de l’or, découvre à la place du vert et donne son nom à la garniérite (le nickel). L’activité minière et métallurgique se développe, notamment via la SLN (Société Le Nickel) et connaît plusieurs crises économiques. Elle amène avec elle une main d’œuvre japonaise et tonkinoise. Ce minerai est aujourd’hui la première ressource économique du territoire.
Le premier bateau de transportés accoste en 1864, deux ans avant la fondation de Nouméa. Les bagnards remblaieront le Port de France (Nouméa) et creuseront les routes de la colonie. Il y en aura plus de 30.000 au total. Parmi eux, les insurgés kabyles et les déportés de la Commune de Paris dont Louise Michel qui laissera des textes émouvants de la traversée et de sa détention “à ciel ouvert”. Une fois leur peine purgée, certains libérés se voient attribuer une terre pour vivre d’agriculture et d’élevage.
Le code de l’indigénat est rédigé en 1887. Les tribus sont délimitées et nommées, leurs chefs désignés par le gouverneur de la colonie. Confiscation des terres, impôt de capitation, travail obligatoire, interdiction de circuler hors de son arrondissement… engendrent des mutineries de la part des populations kanak, jusqu’à la notoire révolte d’Ataï (du nom de son leader) en 1878.
En parallèle, la colonisation libre n’est pas une réussite. Malgré la gratuité du voyage, l’installation des colons n’est pas toute rose : ils subissent les caprices de la nature, l’échec de la canne à sucre, l’hostilité des Kanak privés de leurs terres… Le gouverneur Feuillet se remet mal de l’échec des plantations de café (il a fait venir des Javanais pour le cultiver) et de l’avortement du projet de voie ferrée. En 1898, il ordonne la fermeture des bagnes.
Durant la Seconde Guerre Mondiale, la présence d’une base militaire américaine sur le sol calédonien va insuffler un choc de modernité à cette colonie qui vieillit mal.
1946-1998 : Le territoire d’Outre-mer entre décolonisation et revendications
Le 7 avril 1946, le code de l’indigénat disparaît. Les Kanak deviennent citoyens et peuvent circuler et travailler librement ; la constitution leur garantit un statut de droit particulier qui leur permet d’être régis par leur coutume dans certains domaines. La décolonisation se veut progressive et originale. L’Union Calédonienne (UC), majoritaire, vise l’autonomie. Le « boom du nickel » donne des espoirs fous. Mais à peine trois ans plus tard, la récession fait resurgir tensions politiques et sociales.
Jacques Lafleur fonde le Rassemblement (RCP) auquel viendra s’opposer le Front Indépendantiste (FI), ancêtre de l’actuel Front de Libération National Kanak Socialiste (FLNKS) qui revendique sa « Kanaky ». Les années 1980 sont le théâtre d’une multiplication de violences. L’assassinat de Pierre Declercq, secrétaire général de l’UC marque le point de départ d’une série d’événements violents : fusillades, assassinats, états de siège, jusqu’à la tristement célèbre prise d’otage d’Ouvéa en 1988.
Quelques mois après ces « évènements », comme on les nomme ici sobrement, les négociations aboutissent aux Accords de Matignon. L’ineffaçable et hautement symbolique poignée de main entre Jacques Lafleur, loyaliste, et Jean-Marie Tjibaou, indépendantiste, met fin aux troubles.
1998 à aujourd’hui : Pays d’Outre-mer vers le référendum.
Les Accords de Nouméa de 1998 viennent compléter les Accords de Matignon et renforcent l’autonomie du Pays. Un transfert de compétences de l’Etat vers le gouvernement calédonien est instauré. Le Congrès (pouvoir législatif) élit le gouvernement (pouvoir exécutif). Le Sénat coutumier et le Conseil économique, social et environnemental ont un rôle consultatif.
Le 4 novembre 2018, le Congrès a organisé un référendum s’adressant aux électeurs en ces termes : « Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? ». La réponse “non” a obtenu la majorité des voies à 56.67%. Une nouvelle consultation a eu lieu au second trimestre 2020 , avec un résultat de 53,3% pour le non. Le dernier referendum date du 12 décembre 2021. Les résultats ont été de 96,5% pour le non, mais l’abstention a été massive. La suite n’est pas encore bien identifiée